Congrès 2024 : Discours de clôture de François Bayrou

Retrouvez le discours de clôture de notre Président François Bayrou lors de notre Congrès 2024.

Seul le prononcé fait foi.

Mes chers amis, et dans les amis j’inclus tous les présidents et présidente de l’Assemblée nationale, tous les ministres et présidents de partis, qui nous ont accompagnés ce matin,

Un congrès – je suis très fier du congrès que nous avons eu pendant deux jours – c’était à peu près exemplaire, dans l’ambiance, dans l’organisation, chère Maud Gatel et toute l’équipe du siège, c’était affectueux et c’était profond.

J’ai dit au début que ce n’était pas un meeting. On n’a pas ici l’ambiance électrique, avec des calicots, des drapeaux, des slogans chantés, plutôt bien… Ici, on visite nos raisons de vivre ensemble. Et évidemment, un congrès c’est seulement tous les trois ans. On peut y faire la part du bilan et de l’ambition. Notre dernier congrès n’était pas en présentiel, en effet, tu l’as dit Valérie, il était numérique, et Marielle était là. C’était en décembre 2020. C’était son dernier discours. Elle a parlé avec une joie et une envie de vivre qui nous a fait croire qu’elle allait surmonter le mal qui la frappait. Je veux dire, simplement, vous l’avez tous dit, qu’elle nous a manqué et qu’elle nous manque. (applaudissements) Et c’est bien qu’on lui dise tous ensemble.

Je veux dire, avec les ministres qui sont là, les ministres actuels, les précédents, les parlementaires, les responsables de terrain, et d’abord les militants qui sont aussi responsables de terrain, qu’on ait pu retrouver Valérie Hayer. J’ai du mal à prononcer son nom pour des raisons qu’on vous expliquera… Il y a une espèce de fraternelle des gens qui ont un A, un Y et R dans leur nom ! (rires)

Permettez-moi de vous dire la joie toute particulière la joie de retrouver dans ce congrès Pierre Méhaignerie, mon prédécesseur à la tête du mouvement, et ami. Et à saluer Jacqueline Gourault parce qu’à Blois, à la Chaussée-Saint-Victor, nous avons bâti ici des souvenirs et des rassemblements.

Un mot particulier pour Marc Fesneau. Naturellement, tous les responsables autour de moi sont importants, ils comptent et je les apprécie, je les aime, et j’essaie de faire en sorte que les responsabilités qui leur sont confiées soient importantes. Mais Marc, pour moi, c’est un bras droit de tous les instants. Il a un caractère aussi facile que le mien. C’est donc dire, que les choses sont toujours simples entre nous... Il est aussi libre que nous le sommes tous, il est aussi résistant en face de la soumission, il est profondément bâti autour du socle de conviction que pour ma part, j’apprécie à chaque seconde. Vous venez de l’entendre et de le saluer comme tel. Je suis très content, Marc, que nous soyons chez toi !

Le dernier congrès, c’était 2020. Le sujet du Congrès était le COVID, sous l’angle à la fois du confinement et sous l’angle des vaccins. La question en décembre 2020 était : « où sont les vaccins ? », et le procès fait au gouvernement et au président de la République était « il n’y a plus de vaccins ». Il y avait dans la vie politique française des responsables qui n’avaient qu’une solution à la bouche : les vaccins russes, le Sputnik 5 ! Ils conduisaient un procès au président de la République. J’ai retrouvé une citation de septembre 2020, Jean-Luc Mélenchon qui disait : « c’est une erreur du président qui coûtera cher aux Français de refuser le vaccin russe ». Je suis très content que le président ait pu dans ses responsabilités faire en sorte que l’Europe impose une solution qui a sauvé des dizaines de milliers de vie et des avancées scientifiques formidables. Ce qui a été fait, les vaccins ARN messager, ont permis d’ouvrir les voies à des voies thérapeutiques nouvelles pour traiter les pires de maladies, comme les cancers par exemple.

En même temps, ils plaidaient pour la sortie de l’OTAN, ils disaient que nous n’avions rien à craindre de la Russie. Je vous conseille de revoir certaines émissions, où Marine le Pen disait : « je ne veux vois vraiment pas ce que la Russie irait faire en Ukraine ». Dans tous les horizons, on disait que ceux qui s’inquiétaient n’y connaissaient rien. Elle disait : « la Russie, c’est comme des garçons qui roulent des mécaniques pour s’impressionner les uns les autres ». Cela permet de prendre un peu de recul : si je regarde l’histoire des 50 dernières années, ces deux forces extrêmes, gauche et droite, si on regarde leur bilan (sans parler de leur présence aux bancs), si on refait leur bilan historique, il y a une constante : ils ont sans cesse conseillé aux Français des solutions désastreuses mettant en jeu leur existence et leur avenir.

Un seul exemple : rappelez-vous le référendum de Maastricht, créant une des œuvres marquantes, la monnaie unique. Où en serions-nous aujourd’hui dans la tempête de l’inflation s’il n’y avait pas eu la monnaie unique, l’euro, et la Banque centrale européenne ? Où en serait la France, comment aurions-nous résisté à la tempête, avec notre structure de la dépense publique ? Sans cesse et sans exception, ils ont entraîné les Français vers les pires solutions qu’on puisse rencontrer.

Tu as cité Péguy, cher Max, c’est un des écrivains de ma vie, il disait quelque chose de formidable : « le courage en politique, c’est d’oser dire ce qu’on voit, mais il y a un courage encore plus important, c’est d’oser voir ce qu’on voit ». Aujourd’hui, la réalité parle plus fort que tous les discours : le vrai courage consiste à prendre acte de ce qui se construit et se déroule dans l’histoire et nous place au cœur de l’évènement pour prendre nos responsabilités. Notre honneur à nous, c’est d’avoir sans cesse voulu voir où les tempêtes se formaient. Vous avez dit, Marielle était à Kiev plusieurs fois, on a senti depuis le début, elle a senti, en notre nom, depuis le début, que cette Ukraine-là allait être au cœur de l’histoire. Pour beaucoup de Français, l’Ukraine c’était loin, c’était un conflit de frontières, et ceux-là refusaient de voir ce qui se déroulait, ce qui prenait corps comme un risque immense pour tout ce en quoi nous croyons. Après tout, ce n’est pas la première fois de l’histoire qu’on voit un pays avec une armée surpuissante s’attaquer à un pays voisin pour l’annexer par la force. Les dictateurs qui prennent ces décisions gouvernent dans leur pays par l’assassinat.

C’est intéressant de voir ce qui s’est dit quand on a un découvert la chaîne d’assassinat dont Poutine était responsable. Boris Nemtsov a été abattu, mitraillé dans le dos en 2015. A ce moment-là, Marine Le Pen a dit : « je fais pleine confiance à la justice russe pour éclairer cette affaire ». Serguei Skripal, espion qui avait quitté la Russie, et sa fille ont été attaqués au novitchok (un agent chimique qui attaque le système nerveux) à Londres. Tout le monde l’a vu. La Première ministre britannique de l’époque avait identifié les agresseurs. Marine Le Pen a dit : « je ne vois pas ce qui permet à la Première britannique d’aller si vite dans ses conclusions ». Lorsque Navalny a été attaqué par le même novitchok et sauvé par l’Allemagne, M. Bardella, qui faisait son apparition dans la vie politique française, a dit que « M. Navalny, c’était quand même pas clair comme parcours ». On a vu, hélas, quand cela s’est conclu, ceux qui ont été sans cesse du côté des dissidents russes, du côté de la liberté des opposants russes. Ceux-là, ils sont dans cette salle. Cela fait une grande différence dans les élections qui viennent entre ceux qui ont sans cesse justifié, soutenu, repris les éléments de langage de la dictature russe, et les autres, ceux qui se sont battus contre les prémices de ce qui venait.

On a fêté ces 100 ans de combat de ce grand courant politique et philosophique français. Il y a une chose donc je suis terriblement fier : l’histoire a conduit notre pays et toute l’Europe dans les années 30 vers le pire, vers la résignation et la soumission, le renoncement, alors qu’étaient en train de se nouer les drames qui allaient, comme vous le savez, entraîner l’Europe vers le chaos et une certaine idée de l’Homme aussi. Cela s’est joué en particulier à Munich, parce qu’Hitler avait décidé de lancer sa puissante armée pour l’annexion des Sudètes. Nous avions, les européens, avec les britanniques, des accords de défense avec ces pays. Le renoncement l’a emporté, sous les applaudissements. Le président du conseil de l’époque, Daladier, avait été ovationné. Il était plus lucide que les autres, il a dit à l’époque : « Ah les cons… ». Ils ont tous été accueillis avec des transports d’enthousiasme. L’immense majorité des politiques français ont soutenu les accords de Munich, c’était tellement populaire… Il y a un courant politique, non majoritaire, qui avait un petit journal quotidien qui s’appelait « L’Aube ». L’éditorialiste était un jeune agrégé d’histoire qui enseignant dans les lycées parisiens, qui y faisait une colonne tous les jours, il s’appelait Georges Bidaut. Il allait être un peu plus tard le président du Conseil national de la Résistance. Georges Bidaut a écrit dans son éditorial sur Munich une phrase qui m’a toujours servi de mantra, qui a toujours été pour moi une définition de ce qu’est la responsabilité d’un politique. Son édito s’achevait par : « Lorsqu’il s’agit de dire non, le meilleur moment, c’est le premier ».

Parce que très souvent, il arrive que si vous ne saisissez pas l’occasion du premier moment pour dire « ceci est inacceptable », alors il arrive qu’il n’y ait plus de second moment. Que la vague de l’histoire se forme et qu’elle renverse toutes les digues, celles qu’on croyait éternelles et invincibles. C’est un peu ce qu’il se passe. Je veux vous dire que pour moi, ce qui est extraordinairement frappant, c’est que la décision que Poutine a prise le 24 février 2022 a entraîné le monde, la planète entière dans une nouvelle époque, tragique à mes yeux. Cette nouvelle époque a fait basculer la planète entière dans le temps de la violence brutale au service de quelque chose qui est constamment en germe parmi les nations : l’esprit de domination. Je trouve que ces dernières années, ces dernières décennies, l’esprit de domination a pris, ou repris, une place qui fait que désormais nous ne vivrons plus pendant longtemps comme nous vivions avant. L’esprit de domination qui fait que le droit doit céder à la force, que le droit et les droits sont menacés, que la liberté et les libertés sont menacées par la force brutale… Autrefois, on disait : « la guerre c’est le dernier recours des rois ». Désormais, c’est le premier. En quelques semaines, la Chine a commencé à émettre des messages agressifs envers Taiwan. Quelques mois après, le 7 octobre, le Hamas a lancé contre Israël, contre les quartiers pacifiques d’Israël, une opération dont il me semble qu’on n’a pas vu exactement la nature. On a fait comme s’il s’agissait d’un conflit de frontières. Ce n’est pas cela du tout. On a cru que ces conflits de frontières avaient des dérapages, mais pas du tout. L’opération du Hamas du 7 octobre n’a qu’un seul but : établir la barbarie comme arme de conflit, faire en sorte que les actions soient si atroces qu’on était certain qu’il y aurait les représailles les plus importantes. Derrière le Hamas, qu’est-ce qui a poussé les forces du Hamas à massacrer, amputer, déshonorer, porter atteinte au plus précieux de ce que nous croyons ? C’est ceux qui ne voulaient pas que la paix se construise. C’est-à-dire, en premier lieu, puisqu’il faut appeler les forces par leur nom, l’Iran, avec ses complices, dont l’idée était d’empêcher que les accords d’Abraham commençant à réunir timidement l’Arabie Saoudite, le Maroc, autour d’une pacification… Le but de guerre était d’abattre définitivement toue chance de paix. Ces acteurs-là d’une certaine façon sont libérés. Qui fabrique les drones que Moscou envoie sur l’Ukraine ? C’est l’Iran. Quelque chose a été libéré par l’agression de Poutine. Ce quelque chose est terrifiant pour l’avenir de l’humanité qui s’était construite solidement depuis la guerre sur l’idée que ce droit international était construit sur le respect des frontières, et qu’on allait vivre ainsi. L’esprit de domination n’est pas que ces belligérants-là. Si on regarde les choses avec lucidité : d’autres puissances, économiquement, bâtissent l’esprit de domination. La Chine, par le contrôle des terres rares, par des acquisitions foncières un peu partout dans le monde, par des pratiques de dumping commercial, aggravé par le fait que la Chine va traverser une crise démographie terrifiante dans les années qui viennent, puisqu’elle va perdre l’équivalent de la population européenne dans les trente années qui viennent. Un pays dont la population s’effondre, et qui dispose d’une telle capacité de puissance, si nous ne voyons pas tous ensemble ce qui est en jeu, c’est que nous ne prenons pas la mesure de l’histoire qui est en train de se vivre sous nos yeux.

Je suis très fier que nous ayons pu manifester clairement aux yeux du monde de quel côté nous sommes, de quel côté sont tous ceux qui sont dans cette salle : nous sommes du côté de ceux qui opposons le droit à la force, la liberté à la tentative de soumission. Je suis très fier qu’il y ait eu un président de la République française pour affirmer cette conviction, pour la défendre et pour préparer le pire, si le pire devait se produire.

Nous avons vécu une aventure politique formidable, géniale, avec Emmanuel Macron. On avait préparé le terrain pendant des années et des années, puis on a pu en faisant se rencontrer la force montante qu’il représentait et la force stable que nous représentions, on a pu permettre ce changement si profond du paysage politique. On a pu montrer que des tas de choses qu’on ne croyait plus possible l’étaient : la réconciliation de notre pays avec le monde d’entreprise, le fait de regarder l’avenir technique et scientifique sans crainte, sans peur, sans timidité… ce qu’on a appelé par un raccourci peut-être un peu rapide la Start-up Nation. Des choses qui ont changé aussi profondément la vie que la retenue à la source (nous l’avions inscrit dans tous nos programmes électoraux depuis 2002, et tout le monde nous disait que c’était impossible !). Cela s’est fait. Je salue Gérald Darmanin qui a porté cette réforme, et le Gouvernement tout entier auquel il appartenait. On a montré tout cela, que de l’impossible était possible. On a vérifié que lorsque les choses prenaient un tour tragique et que l’immoral devenait le plus puissant et menaçant, alors la France, par l’intermédiaire de son président, était là pour dire non, au premier moment, c’est-à-dire, au meilleur.

La conviction que j’ai partagée avec vous à l’ouverture du Congrès, c’est que nous avions désormais besoin d‘un projet d’espoir pour le pays. Ne croyez pas que ce soit la première fois que j’utilise cette expression. J’ai toujours pensé que c’est ce dont nous manquions le plus. On avait montré lors d’élections précédentes que nous pouvions réunir autour d’idées novatrices. J’ai dit à l’ouverture du Congrès que l’espoir n’était pas tout-à-fait l’espérance. Certes, l’espérance est la plus belle des vertus. Je nen vais pas reciter Péguy… L’espérance, c’est la vertu qui résiste à tout. Mais l’espoir, ce n’est pas la même chose, c’est du concret : quel est le but qu’on se propose d’atteindre et quelles étapes pour l’atteindre ? Raison pour laquelle je suis tellement attaché à l’idée de Plan. Sans mauvais esprit à l’égard de qui que ce soit, je rappelle que l’idée de Plan était totalement méprisé et même moqué il y a encore trois ou quatre ans. Le Plan, c’était le GosPlan, le soviétique. Et puis, on a réussi, par entente avec la président de la République, à faire renaître cette idée jusqu’à la planification écologique et à en faire un des chemins pour regarder l’actualité politique non pas à quelques jours, ou à quelques semaines, mais à quelques années, puisque c’est dix, vingt ou trente ans qui sont le cadre de la réflexion du plan. Je suis pour un projet avec des étapes. Nous avons besoin, dans ce projet d’espoir pour le pays, deux ou trois chapitres essentiels.

Le premier chapitre essentiel, parce que les institutions sont absolument nécessaires pour qu’une société vive, c’est la démocratie. La démocratie n’a pas d’autres définition que l’organisation du pluralisme. L’idée du pluralisme est extrêmement profonde. Elle signifie que nous avons décidé de vivre ensemble même si nous avons des opinions, préférences, philosophies différentes. La démocratie, ce n’est pas autre chose que la vertu de laïcité. Si on réfléchit à ce que la démocratie est et si on essaie de la transposer par rapport à l’univers des convictions personnelles, celui des libertés et des philosophies, la liberté de croire ou ne pas croire, la liberté de manifester ses convictions profondes, et que la loi vous protège, et qu’en même temps elle vous empêche d’imposer votre manière de voir et de vivre aux autres. Pendant des siècles, des millénaires, il y a eu des guerres de religion, on considérait qu’il n’était pas possible de faire coexister ensemble plusieurs religions. On considérait que le moyen de défendre ses convictions, c’était de convertir les autres par la force. On l’a fait chez nous et ailleurs, pendant des siècles et des millénaires. C’était même la loi. Lorsque le souverain changeait de religion, alors tous les sujets changeaient de religion. Cela s’est fait chez nous il y a encore 4 siècles. Et puis un jour, chez nous, grâce à un des béarnais célèbres, parce qu’il y a Tony Estanguet aussi (rires), on est sortis de cette loi-là pour entrer dans une autre loi : celle de la tolérance. On est entrés dans l’ordre des convictions personnelles, dans un mode de vie ensemble qui fait que plus personne n’imagine, en tous cas chez nous, en Europe, en France, en Occident, et c’est ce qui nous caractérise, plus personne n’imagine que parce qu’on est chrétiens, il faudrait que les musulmans disparaissent, que parce qu’on est juifs, on ne tolèrerait plus d’autres approches spirituelles et religieuses. En politique, on en est encore au stade antérieur, des guerres de religion. C’est pourquoi il est vital qu’on franchisse ce pas. C’est pourquoi la loi électorale doit être le moment d’articulation pour passer de l’univers de ceux qui veulent à tout prix imposer leurs idées aux autres, à un cadre où les autres ont un droit de cité. C’est l’instauration de la proportionnelle dans la loi électorale !

En dépit de la différence d’âge, j’étais très ami avec Helmut Kohl. J’ai eu beaucoup de discussions avec lui à ce sujet. Il avait beaucoup d’indulgence envers moi (un moment, il a même voulu faire un parti avec moi et Jacques Delors !). Je lui disais : « comment se fait-il que vous, les Allemands, ne remettiez jamais en cause votre loi électorale, alors qu’en France, c’est un sport national ? ». Il m’a répondu : « Entre 1933 et 1946, on a réfléchi à cette question. Nous avons bâti un mode de scrutin avec des circonscriptions dans lesquelles tout le monde a le droit de se présenter et ensuite, des listes nationales qui permettent de compléter grâce au choix des électeurs une assemblée nationale parfaitement juste d’un point de vue proportionnel ». Moi je trouverais très bien qu’on fasse comme cela, avec les deux approches : le terrain et le choix des opinions et des représentants. Il me disait : « tu vois, la principale vertu de cette loi électorale allemande, c’est un garde-fou impossible à détruire contre les extrêmes. Parce que si vous avez ce pluralisme à l’assemblée, et une menace d’un extrême ou de l’autre, de populisme, de fanatisme, on ne sait jamais ce qui peut arriver, alors les autres ont le devoir de se mettre ensemble pour faire barrage. » Le changement de mode de scrutin, ce n’est pas seulement une question de justice, c’est important que tout le monde ait le même droit à la représentation. Je dis souvent, si vous êtes de gauche à Neuilly dans une élection nationale, ou de droite à Saint-Denis, à quoi votre voix va-t-il servir ? Pendant si longtemps, si vous étiez du centre, à quoi votre voix servait-elle ? Maintenant, on sait à quoi elle sert. Il est nécessaire de rétablir le droit de chaque citoyen à être représenté à la mesure de tous ceux qui s’expriment dans la vie politique nationale.

C’est pourquoi, je veux dire ma conviction et ma certitude. On a entendu plusieurs messages dans cette tribune de responsables politiques qui confirment ce point de vue. J’ai la conviction que nous allons y arriver, qu’après tant et tant d’années de combat à faire entendre l’évidence, alors une fenêtre s’est ouverte et nous allons pouvoir trouver une résolution à cette question qui est vitale pour l’avenir de la démocratie française. Et si jamais les responsables avaient du mal à être convaincus, il y a un moyen très simple pour les convaincre : donner la parole au peuple français.

Il y a d’autres modifications pour que nos institutions soient plus adaptées : est-il normal que Paris, Lyon et Marseille, les trois principales villes françaises, soient privées du droit d’élire leur maire ? Qu’est-ce qui justifie cela ? Je voudrais que la loi PLM soit réformée, en sachant que le maire serait élu par les citoyens qui voteront plutôt que par des combinaisons extrêmement difficiles à comprendre et qui privent les électeurs de leur droit. Je suis pour qu’on apporte des réponses à ceux qui ne participent pas aux élections parce que leur mode d’organisation selon eux ne correspond plus à ce qu’ils sont. Aux Etats-Unis, aux dernières élections, la moitié des électeurs a participé à distance, par correspondance. En dépit de la folie et des millions dépensés par Trump pour démontrer qu’il y avait eu quelque chose d’anormal dans ces votes, on n’a pas trouvé un seul exemple. Pourquoi en France ne vote-t-on pas par correspondance ou internet ? Pour que cela soit facile, accessible, ouvert à tout le monde ? Si on veut aussi reconnaître le vote des électeurs, reconnaissons le vote blanc comme un suffrage exprimé ! (applaudissements)

Un élément supplémentaire. Comment se fait-il qu’en dépit des programmes, des convictions défendues, des assurances données à chaque élection, comment se fait-il que la question du financement de la vie politique soit encore aussi mal traitée, remettant à des décisions privées ce qui est l’ouverture des moyens financiers, qui sont l’oxygène de la démocratie elle-même ? Il faut que la Banque de la démocratie, après tant et tant d’assurances, soit remise sur les rails. Il n’y a rien de plus facile que cela.

Je veux ajouter quelque chose qui tient aux forces politiques. Ce qui m’est apparu frappant dans la pratique du centre qui est la nôtre et que nous avons les uns et les autres défendu à cette tribune, nous avons le devoir, la mission et la vocation, d’être des fédérateurs, de participer au rassemblement de ce qui est pour moi si frappant : il y a un puissant mouvement en gestation, en attente. Ce mouvement-là réunit sous des nuances politiques différentes tous ceux qui croient qu’on peut changer le monde, que les problèmes sont solubles, que nous ne défendons pas seulement des intérêts, mais qu’il y a au-dessus de nous un intérêt général. Tous ceux qui croient que le projet qui est le nôtre n’est pas seulement marqué par des conflits, mais qu’il est un projet de civilisation, qui s’incarne notamment dans l’Europe, cette communauté que nous avons à bâtir pour le défendre. Tous ceux qui pensent qu’on peut s’entendre avec les gens qui ne pensent pas exactement comme nous, ou qui n’ont pas tout à fait la même histoire. S’il n’y a que cela qui nous sépare, il ne faut pas que nous acceptions les divisions, cela va demander de petits efforts d’un bord et de l’autre. Mais c’est nécessaire et vital. On a besoin de construire le grand rassemblement des humanistes et des réformistes, que la vie politique français attend, et dont elle a tant souffert de l’absence : on le voit dans le surgissement des extrêmes.

Enfin, je veux aborder les problèmes économiques et de finances publiques que nous vivons aujourd’hui. Permettez-moi de le dire à l’avance : ce que je vais défendre à cette tribune n’est pas exactement ce que j’ai défendu pendant des décennies, parce que l’histoire a changé. J’ai été l’un des premiers à mettre la question de la dette au centre de la réflexion du pays. Je pense qu’il y a dans la désinvolture à l’égard de la dette, quelque chose d’immoral, parce que vivre dans la désinvolture complète en disant, « ce qui m’intéresse c’est moi aujourd’hui et le reste, pour l’avenir, on verra », c’est manquer au respect élémentaire et au devoir qu’on doit à nos enfants, petits-enfants, aux générations qui vont venir. Je n’ai pas aimé la séquence des retraites. Nous avions établi au Plan, pour la prochaine fois, des chiffres indiscutables sur l’équilibre financier du notre système des retraites. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) à l’époque prétendait que le système était comptablement équilibré, mais il oubliait de dire qu’il n’était équilibré que parce que chaque année entre 30 et 40 milliards étaient apportés pour équilibrer le système des retraites. Nous avons publié cette analyse le 9 décembre. Je ne sais pas pourquoi, ces chiffres n’ont pas été utilisés. Je suis persuadé que si chaque foyer français avait reçu l’exposé de la situation, qui fait que les pensions d’aujourd’hui sont payées non seulement par les travailleurs d’aujourd’hui mais aussi par l’emprunt qui va mettre à la charge pendant des décennies les enfants et petits-enfants à venir, je suis persuadé que les Français s’en seraient saisis. Je suis certain qu’on aurait gagné un référendum sur le sujet. Nous sommes passés à côté d’une chance formidable de prise de conscience de la part de tout le pays. Donc je pense que la dette a quelque chose d’immoral. Je pense que la nature de la dette que nous vivons aujourd’hui est parce que les gouvernements ont été laxistes, mais aussi parce qu’il y a eu des secousses considérables, comme le COVID, et nous avons eu raison de soutenir les entreprises et les foyers, en tant qu’assureur général. Et puis la question de l’Ukraine : j’entendais l’autre jour un responsable politique nous disait « vous n’allez pas nous faire croire que la question de la dette est la question de l’Ukraine », et bien mon pauvre, une crise comme l’Ukraine qui crée une crise de l’énergie, dont vivent tant de pays européens, mais aussi une crise sur l’inflation, et que ces deux crises se conjuguent, qui peut croire qu’on est à l’abri des choses ? Oui, ce n’est pas par hasard, par laxisme, que nous avons la crise de la dette d’aujourd’hui.

Il y a un élément nouveau depuis deux ou trois ans : ce qui se passe aux Etats-Unis. Ils ont trouvé, choisi, un projet de développement fondé sur un soutien puissant de la Banque centrale américaine à l’économie américaine, à son investissement, aux avancées technologiques et à la relocalisation des industries essentielles. En 4 années, ce soutien de la Banque centrale américaine a été si puissant que la croissance américaine a été de 10,5% alors que la croissance européenne est à peine de 4%. L’Allemagne vit, elle, une récession dont nous sommes toujours les premières victimes, puisque c’est notre premier fournisseur et notre premier client. Il faut réfléchir à cela quand on pense aux dépenses publiques. Il est vital de ne pas casser la croissance brutalement. Un des éléments de programme que nous devons défendre devant les Français, c’est de faire pression sur la Banque centrale européenne pour qu’elle soit davantage en soutien de la croissance et de l’emploi. Il y a une grande différence entre la mission définie par la loi régissant la réserve fédérale américaine et celle régissant la banque centrale européenne. La réserve fédérale américaine a deux objectifs : lutter contre l’inflation et soutenir l’emploi. La Banque centrale européenne n’a que pour mission la lutte contre l’inflation. Il est important que nous réfléchissions à une nouvelle étape de politique économique. Si nous en restons à ce différentiel de croissance, les Etats-Unis vont capter toutes les liquidités disponibles sur la planète. Le déséquilibre va s’accentuer. Les Etats-Unis ont une stratégie très offensive, regardez le Numérique, regardez les Data, le Cloud : par l’intermédiaire des grandes multinationales et des GAFAM, on est en situation de perdre notre souveraineté et notre indépendance. Le déséquilibre économique y contribue. Je pense que les difficultés de finances publiques sont réelles, que le différentiel entre croissance prévue et réalisée existe mais n’est que de 0,1%, c’est un déséquilibre mais peut-être pas le déséquilibre déterminant. Le moment n’est pas de casser la croissance, de se trouver dans des situations de déséquilibres nouveaux. Je le dis comme quelqu’un qui a combattu toutes les volontés d’ignorer le déséquilibre de la dette. On a besoin de reconstruire. Cela se fait par la croissance. La croissance doit être le premier objectif des finances publiques : donc priorité à l’investissement, à l’activité, à l’allègement et la simplification des normes.

Les deux dernières années ont été les deux années de surgissement de l’IA. Les progrès faits par l’humanité en deux années sont stupéfiants, voire inquiétants à certains égards. J’ai été consacrer une série d’auditions récemment à l’IA. Un des principaux acteurs de ce sujet, dans une ambiance détendue, m’a dit qu’on ne savait pas très bien comment cela marchait. Donc j’entends cela comme une chance, et en même temps comme une contrainte, un risque. L’IA va tout changer, y compris dans l’administration, il y a des marges de progrès, d’économies considérables, dans une nouvelle utilisation de ces nouveaux instruments. Là aussi, priorité à l’activité, à l’innovation, à l’invention.

Enfin, je voudrais dire un mot des problèmes d’éducation. Pour moi, il n’y a pas de sujet plus important. Il n’y a pas de sujet plus important que les fondamentaux, que la culture générale, dans ce monde en mouvement, où il faut constamment se réorienter. Je viens de parler de l’IA. Les fondamentaux, qui paraissaient dépassés, doivent à tout prix être désormais notre priorité essentielle puisqu’il faut former non pas des connaissances seulement, mais aussi la capacité et la liberté de l’esprit, la capacité de jugement, de culture nécessaires pour identifier les risques et se situer par rapport à ces risques. Une certitude : c’est par la confiance au terrain que la réforme de l’Education nationale se fera la plus efficace. Qu’on me pardonne : je ne crois pas que cela se décide à Paris. Je ne crois pas que ce soit des injonctions nationales qui doivent conduire au changement pédagogique de l’Education nationale. Je crois le contraire. Les orientations nationales, y compris les injonctions, doivent fixer des progrès à atteindre dans chaque classe, puis faire confiance aux profs. Voir ce qui marche, et le répandre. On a des réflexions du même ordre sur les acteurs sociaux : faites confiance, contrôler et bâtissez en analysant ceux qui réussissent et en généralisant les méthodes qui ont été mises au point.

Un sujet brûlant pour nous tous : la question climatique, écologique, de la biodiversité, de la sauvegarde de notre biotope humain, la sauvegarde de notre environnement et de notre maison. On a besoin de construire cela de manière déterminée. Les progrès signalé hier sont formidables : avoir baissé en une année de 4,5% l’émission de GES, même s’il y a quelque chose d’accidentel dans cela, c’est un formidable encouragement. Nous avons mis en évidence l’extraordinaire potentiel que la géothermie représente pour chacun de nos foyers : capacité de chauffage et de rafraichissement, donc la source est éternelle et gratuite. Pourquoi on ne s’en sert pas ? Il suffit de reformer des foreurs et trouver un mode de financement qui rende cet investissement acceptable et étalé dans le temps. On a bien en France une Caisse des dépôts, un système bancaire, pour apporter des réponses simples. Il y a 15% d’économies immédiatement disponibles si nous décidons de nous en occuper. Ce sont des progrès écologiques et humains très importants.

Nous allons entrer, Valérie, dans cette campagne, avec toi. Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement électoral. C’est de très loin, pour la première fois depuis longtemps, le modèle de société européen et français, peut-être même de civilisation, qui est en jeu. Dans cette élection, on nous regarde, on regarde la France, les électeurs français et la représentation de la France. Il y a des gens pour qui ce combat n’est pas seulement européen, mais vital. Je pense aux femmes afghanes et aux femmes iraniennes, enfermées, mises en prison, interdites d’études, de sortir. Ce combat entraîne des centaines de mises à mort, 850 l’an dernier… c’est un sujet vital. C’est cela que vous allez porter. C’est le combat de l’humanisme contre la barbarie, le combat du droit contre la force, de la liberté contre la servitude. C’est pourquoi nous serons avec vous comme soutien et comme co-constructeurs de ce que notre avenir doit être.

Merci à tous.

J’ai eu une idée. Pour chanter la Marseillaise et fredonner l’hymne européen, j’avais écrit des vers il y a quelques années pour l’hymne européen. Le dernier vers était : « le soir d’Europe est un matin ». Je trouvais cela poétique et joli. Au lieu de faire monter tout le monde sur la tribune, je propose qu’on se mette au premier rang tous ensemble et qu’on la chante tous ensemble pour que le photographe puisse prendre en photo l’ensemble du congrès comme interprète des hymnes qui disent notre conviction.

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